La navigation hauturière est une nouvelle aventure par rapport à la navigation côtière. On se lance dans le grand bain, premiers jours difficiles, mais peu à peu, la magie opère. Parcours avec moultes rebondissements… on s’adapte aux conditions et aux pannes !
26/01/2022 – Départ de Sines
A Sines, les bitouilles techniques sont terminées, les réservoirs d’eau et de fuel sont remplis, les placards sont réapprovisionnés, la météo est vérifiée et le bateau est tout propre et bien rangé, nous voilà prêts au départ pour une navigation hauturière cette fois ! Quelle excitation de prendre le grand large ! Une grande première pour ma coéquipière et moi-même..
Sous un grand soleil, nous mettons le cap à 234°, vers Porto Santo, une petite île au Nord de Madère. Environ 500 Mn nous séparent du prochain bout de terre, en fonction du vent nous mettrons entre 4 et 5 jours. Le départ est calme, et profitons d’un beau coucher de soleil. A l’horizon, les cargos sont encore là, sept d’entre eux attendent de pouvoir rentrer au port.
27 et 28/01/2022 – En mer
Première traversée hauturière, sacré aventure. C’est encore autre chose par rapport à la navigation côtière. Nouvelles sensations, nouvelle mer, de la houle, beaucoup de houle, du vent, beaucoup de vent, un autre espace temps, dans lequel on perd toutes notions de date et d’heure.
Quelques bateaux en vue au niveau de Gibraltar, puis plus rien. L’impression d’être seuls sur notre coquille de noix. Je n’avais pas eu encore le mal de mer, mais cette fois, il s’est gentiment invité sans que je m’en aperçoive. Il faut dire que nous avons eu un vent en moyenne de 20kt avec des pointes à 30kt, levant une houle jusqu’à 3m50 complètement désorganisée. Avec Aurélie, on peine, mais on s’accroche, on garde le sourire! Je ne sais pas si c’est la fatigue que j’avais accumulée sur la première partie ou la houle à encaisser mais entre 2 manoeuvres, je n’avais qu’une envie, celle de dormir !
Dans ce remue ménage, et sous l’oeil expert du cap’tain, j’ai quand même réussi à faire mon premier pain, je ne suis pas peu fière!
Les nuits se suivent mais ne se ressemblent pas. Chacune apporte son lot de surprises. Un de mes passe temps favori pendant mes quarts de nuit, c’est contempler le ciel. En haute mer, sans lumières artificielles, les étoiles et la lune prennent une autre dimension. C’est vraiment magique. Mais le plus impressionnant, ce sont les éclairs. En ajoutant à cela le bruit du tonnerre, c’est un vrai festival de son et lumière, et je suis aux premières loges.
Imaginez le noir complet puis soudain des projecteurs qui illuminent tout le ciel, et pendant 1 seconde, c’est blanc, rose ou violet. L’horizon et la mer, qu’on ne voit pas, paraissent soudain comme en plein jour. Je compte les secondes entre la lumière et le son, et j’ai à peine le temps d’arriver à trois… ce qui veut dire qu’on ne passe pas loin, pourvu qu’il nous tombe pas sur la tête ! Un vrai mélange d’intimidation et de fascination à la fois… que la nature est belle et puissante…
La nuit du 28 au 29, juste après mon quart, on traverse un gros grain, avec tonnerre pluie et grêle, je me réveille le matin, tout est trempé ! J’ai dû bien dormir parce que je ne me suis aperçue de rien, ni vu ni entendu ! Je revoie la tête de mes coéquipiers quand je leur demande pourquoi tout est trempé et pourquoi ils sont décoiffés, alors que moi j’avais dormi comme un bébé…
Petite surprise sur le bateau ce matin, apparemment c’est monnaie courante lors des traversées, un petit poisson volant est venu terminer ses jours sur le bateau, le pauvre. Le cap’tain l’a dépiauté et mis à la poêle… le petit déjeuner est servi ! Pour moi ça sera pain beurre, merci.
Pour ceux qui ont l’oeil aiguisé… oui j’ai un pansement au bout du pouce, cuisiner quand ça bouge, c’est périlleux, et on se coupe les doigts!! Je ne suis déjà pas très habile de mes 10 doigts mais alors en mouvement, c’est pire !
29/01/2022 – Etape 6: PORTO SANTO
11h10 Le cap’tain nous crie depuis le cockpit « TERRE EN VUE! » Au milieu de la brume pesante, et immuable depuis les aurores, en effet, on aperçoit les îles (si si regardez bien !)
Avec un vent dans le dos qui ne nous a pas lâché jusqu’à la nuit dernière, on a navigué entre 8 et 9kt, avec des pointes à 11kt, finalement 3 jours ont suffi pour rejoindre la petite île de Porto Santo.
Quelle excitation vraiment, je ne pensais pas que ça me ferait cet effet. Une euphorie générale ! Musique à fond dans le cockpit, on fait la danse de la célébration.
J’imagine les premiers explorateurs, quand ils naviguaient grâce aux étoiles sans savoir ce qu’ils allaient trouver ou pire, quand ils pensaient encore qu’il pouvait y avoir des trous dans l’océan ou qu’ils puissent s’arrêter brusquement. De nuit quand on n’y voit rien rien rien, quelle angoisse. Alors quand ils apercevaient enfin la Terre, ça devait être incroyable l’ambiance à bord. Belle récompense !
Pas de place au port de Porto Santo, c’est au mouillage que nous passerons les deux prochaines nuits. La cap’tain a tout prévu, on gonfle l’annexe, on installe le petit moteur et on saute dedans pour aller s’inscrire à la capitainerie.
Première question « Etes vous
vaccinés ? » … ah oui c’est vrai, on l’oublie presque cette Covid sur notre bateau.
Sitôt l’administratif terminé, et les douanes passées (rien à déclarer à part un léger mal de terre !) on part explorer Vila Baleira, à 40 min du port.
31/01/2021 – Etape 7: FUNCHAL A MADERE
Après un coup de fil au port de Funchal pour s’assurer que nous pouvions nous y amarrer, nous levons l’encre vers 10h direction Madère, la grande sœur de Porto Santo. Une trentaine de milles à naviguer, on prévoit d’arriver en fin d’après-midi.
Ma coéquipière et moi-même sont ravies de reprendre la mer. Tout sourire, on ouvre les voiles. Accrochée à l’arrière du bateau, je surfe sur les vagues. Super vent, super houle, mais cette fois j’ai le cœur bien accroché. 6 heures de navigation sportive, intense et humide, on s’est pris quelques vagues sur le museau. On a fini trempés mais heureux.
Nous prévoyons de profiter de cette île et d’y rester une semaine.
Pour voir l’article sur Madère, cliquer ICI
07/02/2022 – Transat vers Trinidad et Tobago
Nous y voilà, demain c’est la grande traversée !
Après 2 jours en pleine nature avec ma coéquipière sur l’île de Madère, on revient à Funchal sur un petit nuage (et trempées comme des soupes).
Après une bonne douche chaude au port, le cap’tain nous annonce que le vent est très favorable pour un départ dès demain direction Trinidad et Tobago, et en direct en plus !! Quelle surprise ! De quoi vite remettre les pieds sur Terre… quoi ?? demain ??!! Mais je suis pas prête !
Après concertation avec l’équipage, nous annulons l’étape aux Canaries, qui n’avait pas grande valeur ajoutée pour notre périple. Profiter de ce vent est une belle opportunité. Nous décidons, d’un commun accord, de prendre le large direct. Demain matin nous irons faire les courses puis zou !!! La grande aventure commence.
3400 miles nautiques environ, à raison de 150 miles par jour en moyenne, ça nous fait une traversée de 22 jours !!! Sûrement un peu moins, dans le meilleur des cas c’est 15 jours.
De quoi prendre le temps pour respirer le grand air, contempler, et déconnecter, cette fois on plonge dans le grand bain (façon de parler hein, l’eau va être froide, j’attendrai d’être de l’autre côté…)
Départ inattendu, un peu bousculé mais au moins pas le temps de tergiverser…! La boule au ventre mais une folle motivation. RDV dans 3 semaines.
Une petite bière pour fêter ça, sans oublier d’en verser un peu à Neptune (le dieu de la mer) !
Passionnant ! gros bisous !