Un ami, qui est arrivé ici 5 mois plus tôt, que j’ai rencontré quelques jours après mon arrivée, m’a répondu, alors que je lui faisais part de mes questionnements sur cet endroit : « Ce n’est pas toi qui va à Auroville, c’est Auroville qui vient à toi, ne cherche pas à comprendre comment ça fonctionne, laisse faire ».
D’habitude, tel un caméléon, je m’immerge vite dans mon nouvel environnement et je me trouve vite une place, mais ici, ça a mis plus de temps que d’habitude. Il m’a fallu deux grosses semaines avant d’apprécier cet espace, si différent et si unique. Je craignais de ne jamais m’y faire, je commençais presque à me faire une raison et me dire que cet endroit n’était tout simplement pas fait pour moi, je ne comprenais pas l’engouement des Aurovilliens que je rencontrais …
Mais mon ami avait raison, Auroville est venu à moi et je me sens bien ici. J’apprécie sa quiétude, sa diversité, sa beauté, sa forêt, ses vibrations… Il règne ici une énergie bien particulière, qui m’a touchée. Certes, tout n’est pas tout rose, j’y reviendrai. Il y a tellement de choses à faire, à voir, à comprendre, que selon ses sensibilités, on n’attire pas les mêmes choses. Chacun ici se fait sa propre expérience, qui n’est comparable à aucune autre.
J’avais entendu parler de cet endroit en juillet 2020, lors de ma retraite spirituelle, à Poitiers. Une des filles de mon groupe avec qui j’avais passé la semaine m’avait raconté son expérience à Auroville, j’étais restée avec l’envie de découvrir moi aussi cet endroit.
Lors de l’organisation de mon voyage, j’ai cherché à faire du bénévolat en Inde, j’ai rencontré une association en France qui m’a aidé à trouver une autre association en Inde pour travailler avec des enfants. Quelle a été ma surprise quand j’ai su qu’elle était à Auroville justement ! J’avais manifesté 2 ans plus tôt l’envie d’y aller et, heureux « hasard », j’allais enfin pouvoir y passer du temps, presque deux mois.
Auroville, c’est avant tout, une terre rouge et sèche, une chaleur écrasante en été, agréable en hiver, peu voire pas d’eau, pas d’arbres… pourtant c’est là que Mirra Alfassa, connue sous le nom de « la mère » a créé en 1968, une ville expérimentale dans l’état du Tamil Nadu, dans le sud-est de l’Inde à quelques km de Pondichéry.
Extrait site officiel de Auroville :
Le concept d’Auroville – une cité idéale dédiée à une expérience sur l’unité humaine – apparut à la Mère dès les années 1930. Au milieu des années 1960, la Sri Aurobindo Society à Pondichéry lui suggéra qu’une telle cité devait voir le jour. Elle donna sa bénédiction. Le concept fut ensuite présenté au Gouvernement de l’Inde, qui offrit son soutien et porta le projet devant l’Assemblée Générale de l’UNESCO. En 1966, l’UNESCO vota une résolution unanime reconnaissant le projet comme important pour le futur de l’humanité, affirmant ainsi son plein encouragement.
Auroville a vocation d’être, selon la conceptrice « le lieu d’une vie communautaire universelle, où hommes et femmes apprendraient à vivre en paix, dans une parfaite harmonie, au-delà de toutes croyances, opinions politiques et nationalités ».
Extrait site officiel de Auroville :
Le dessein d’Auroville est de réaliser l’unité humaine – dans la diversité. Aujourd’hui, Auroville est reconnue comme la première et la seule expérience en cours internationalement soutenue sur l’unité humaine et la transformation de la conscience, également concernée par – et faisant concrètement de la recherche sur – un mode de vie durable et les futurs besoins culturels, environnementaux, sociaux et spirituels de l’humanité.
Le 28 février 1968, quelque 5 000 personnes se sont rassemblées près du banian au centre de la future cité pour une cérémonie d’inauguration à laquelle ont assisté les représentants de 124 nations, et de tous les États d’Inde. Les représentants apportèrent avec eux un peu de terre de leur pays natal ; le tout fut mélangé dans une urne en marbre blanc en forme de lotus, trônant désormais au point focal de l’Amphithéâtre.
Au même moment, la Mère donna à Auroville sa Charte en 4 points, affichée en grand à l’entrée du site:
– Auroville n’appartient à personne. Elle appartient à toute l’humanité. Mais pour y séjourner, il faut être le serviteur volontaire de la conscience divine.
– Auroville sera le lieu de l’éducation perpétuelle, du progrès constant et d’une jeunesse qui ne vieillit point.
– Auroville veut être le pont entre le passé et l’avenir. Profitant de toutes les découvertes extérieures et intérieures, elle veut hardiment s’élancer vers les réalisations futures.
– Auroville sera le lieu des recherches matérielles et spirituelles pour donner un corps vivant à une unité humaine concrète.
Créée pour 50000 personnes, aujourd’hui 2500 personnes, issues de 50 pays, vivent dans une forêt grandissante et paisible. Pas de « centre ville », mais des unités, et des sentiers. A pied, en vélo ou en moto, les premiers jours, vaut mieux être pourvu d’un plan !
On voit passer les pionniers, ceux qui ont tout plaqué dans les années 60 et 70 pour réaliser le rêve de Mère. Avec leurs longs cheveux blancs, ou assis sous le bagnan devant le temple du Matrimandir, aujourd’hui agés de 70 ou 80 ans, ils sont encore là, prêts à nous raconter leurs débuts difficiles mais la foi inébranlable qui les ont animé toutes ces années pour créer une communauté nouvelle et un nouveau monde. Ce n’est pas souvent de pouvoir côtoyer « les premiers », la ville est encore jeune, puisqu’elle a fêté 50 ans en 2018.
Mais qu’est ce qu’on y fait à Auroville concrètement ??
Le but premier est de mettre en pratique le rêve de la Mère et Sri Aurobindo. On vient pour participer à ce nouveau monde expérimental. On peut participer à des lectures de textes, chants de mantras, méditation…
Dans chaque unité, sa spécialité, il n’y a qu’à choisir. Construction futuriste, recherches en éco-construction, agriculture, permaculture, instruments de musique… quelque part au milieu de la fôret, on trouve son bonheur.
Puis, il existe une multitude d’activités tout au long de la semaine. Pour débuter ou se perfectionner, on peut découvrir un multitude de choses. Différents types de yoga, de danse, de massage, de soins énergétiques, de pratiques ésotériques diverses et variées. Les activités sont gratuites ou sur donation. Chacun donne selon ses moyens.
On peut faire du bénévolat dans presque toutes les unités, en échange de logement (parfois) et/ou le petit-déjeuner.
Il y a peu de magasins dans Auroville et quelques restos. Il faut sortir de la « green belt » (ceinture verte) et joindre le premier village pour cela, à 10/15 minutes en vélo. Il y a une école, une crèche, un théatre, un grand réfectoire, alimenté en énergie solaire uniquement (la Solar kitchen), dans lequel ils ne servent que des repas bios et faits avec des produits locaux (un délice!), un cinéma. Le cinéma est gratuit, tous les soirs un film est projeté.
Ici, on paye son logement, mais il ne nous appartient pas. Si on part, on laisse tout, rien nous appartient. On ne peut être rémunéré pour ses activités que lorsqu’on est « Aurovilliens » et pour l’être il faut passer un long process de « New comer » (nouvel arrivant) qui inclue quelques jours de stage pour bien comprendre les concepts de la ville et son fonctionnement puis quasiment 1 an de volontariat dans une des unités. A peine payés, mieux vaut avoir quelques économies de côté ! Lorsqu’on est finalement acceptés en tant que Aurovilliens, on reçoit une « maintenance » qui permet de vivre (très humblement).
Au centre de la galaxie d’Auroville, un parc de l’unité regroupe un amphithéâtre, un banian sacré gigantesque de 50 mètres de diamètre, sous lequel il fait bon méditer, mais surtout un temple étonnant et singulier, le MATRIMANDIR, l’oratoire de la mère.
En 1971 la première pierre est posée. L’architecte Roger Anders a matérialisé ce que la mère a visualisé.
L’intérieur ressemble à un vaisseau spatial de stargate, deux rampes mènent à la chambre intérieure 100% blanche dans laquelle une boule centrale transparente, reçoit un rayon de lumière du soleil.
Moquettes et chaussettes obligatoires, c’est ultra clean et silencieux.
L’extérieur est recouvert de 1400 disques dorés et selon la lumière et les nuages, il change de teinte.
On dirait une soucoupe volante ou une balle de golf, en fait le matrimandir est entouré de douze pétales, dans lesquels on peut aller méditer également, et représente un lotus en pleine floraison symbolisant la conscience divine.
Douze jardins entourent ce temple, j’ai eu la chance d’y faire 2 semaines de bénévolat, tous les matins, avec une équipe géniale et je suis témoin de sa forte énergie transformatrice et envoûtante.
Vraiment c’est extraordinaire, rien que pour le voir, ça vaut le détour. De nuit, avec ses néons, on pourrait parier qu’à tout moment, il s’envolerait et repartirait dans l’espace.
Le rêve de Mère :
« Il devrait y avoir quelque part sur la terre un lieu dont aucune nation n’aurait le droit de dire : « il est à moi » ; où tout homme de bonne volonté ayant une aspiration sincère pourrait vivre librement comme un citoyen du monde et n’obéir qu’à une seule autorité, celle de la suprême vérité ; un lieu de paix, de concorde, d’harmonie, où tous les instincts guerriers de l’homme seraient utilisés exclusivement pour vaincre les causes de ses souffrances et de ses misères, pour surmonter ses faiblesses et ses ignorances, pour triompher de ses limitations et de ses incapacités ; un lieu où les besoins de l’esprit et le souci du progrès primeraient la satisfaction des désirs et des passions, la recherche des plaisirs et de la jouissance matérielle.
Dans cet endroit, les enfants pourraient croître et se développer intégralement sans perdre le contact avec leur âme ; l’instruction serait donnée, non en vue de passer des examens ou d’obtenir des certificats et des postes, mais pour enrichir les facultés existantes et en faire naître de nouvelles. Les titres et les situations seraient remplacés par des occasions de servir et d’organiser; il y serait pourvu aux besoins du corps également pour tous, et la supériorité intellectuelle, morale et spirituelle se traduirait dans l’organisation générale, non par une augmentation des plaisirs et des pouvoirs de la vie, mais par un accroissement des devoirs et des responsabilités.
La beauté sous toutes ses formes artistiques, peinture, sculpture, musique, littérature, serait accessible à tous également – la faculté de participer aux joies qu’elle donne étant limitée uniquement par la capacité de chacun et non par la position sociale ou financière.
Car dans ce lieu idéal, l’argent ne serait plus le souverain seigneur ; la valeur individuelle aurait une importance très supérieure à celle des richesses matérielles et de la position sociale. Le travail n’y serait pas le moyen de gagner sa vie, mais le moyen de s’exprimer et de développer ses capacités et ses possibilités, tout en rendant service à l’ensemble du groupe qui, de son côté, pourvoirait aux besoins de l’existence et au cadre d’action de chacun.
En résumé, ce serait un endroit où les relations entre êtres humains, qui sont d’ordinaire presque exclusivement basées sur la concurrence et la lutte, seraient remplacées par des relations d’émulation pour bien faire, de collaboration et de réelle fraternité. »