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LE « SLOW TRAVEL »

A l’origine, le but de ce voyage en voilier n’était pas d’apprendre à naviguer, mais plutôt d’expérimenter un mode de déplacement lent pour mettre en pratique le « voyage lent », une philosophie de voyage, et par extension, de vie.

Au passage j’ai eu la chance de découvrir un monde passionnant dans lequel j’ai grandement envie de plonger mais là n’est pas le sujet.

Le voyage lent c’est prendre le temps de se déplacer au rythme de la planète, avec la force de la Nature (dans ce cas le vent) ou notre propre force (à pied ou à vélo), et en dernier recours avec les transports en commun, bus ou train. C’est retrouver le rythme que nous avions avant de pouvoir partir en avion et être en une vingtaine d’heures de l’autre côté de la planète.

Les avantages d’un voyage lent sont multiples. Habituer son corps petit à petit au décalage horaire, rencontrer d’autres voyageurs et locaux, partager avec eux un bout de chemin, un bout de leur vie et de leur histoire, lever le pied pour de vrai, pour se reposer d’un rythme quotidien infernale et se retrouver soi-même et aussi minimiser notre empreinte carbone.

L’Homme/La Femme a le goût de l’aventure et des terres inconnues, des aspirations « d’ailleurs » permanentes, on ne pourra pas lui couper les ailes, le voyage ouvre et nourrit l’esprit, il est essentiel selon moi. Je crois en un tourisme durable, responsable, positif et engagé – autre sujet passionnant que je n’aborderai pas ici – mais surtout je n’ai plus envie de voyager au détriment de la planète.

L’inconvénient majeur c’est qu’il faut du temps, beaucoup de temps. Passer deux mois en tout sur un bateau pour se rendre aux Antilles, alors que l’on peut y être en quelques heures en avion, quelle idée ! C’est possible que quand on a un an devant nous, oui je sais. C’est le choix que j’ai fait. J’ai arrêté de compter le nombre de fois où l’on m’a dit « Tu vas perdre beaucoup de temps en bateau ! » Je réponds alors que je ne perds pas le temps, au contraire, je le prends. Le déplacement devient le voyage, une fois arrivés à destination, il n’y a plus de voyage ! Le chemin est la destination.

Je dois être honnête avec moi-même, je suis très mal placée pour parler de ça. Je pilote des petits avions, j’ai moi-même pris l’avion un nombre incalculable de fois et j’ai toujours cherché à rentabiliser chacun de mes voyages. Je voulais tout voir, tout visiter, tout goûter, tout « faire » pour ne rien louper mais c’était une erreur et je le réalise que maintenant. Je prendrai peut-être l’avion pendant le voyage, sûrement même, mais le moins possible.

Attention, je préfère prévenir que sur ce qui va suivre, je ne juge personne et ne donne aucune leçon, ceci n’engage que moi et mes convictions. Je suis désolée si je froisse certains d’entre vous, ce n’est clairement pas le but. Je fais aussi face à mes propres contradictions.

Un des effets collatéraux du voyage en avion, est la massification du tourisme. Avec l’essor des compagnies à bas coût, le nombre de touristes a augmenté de cent trente pour cent ces vingt dernières années.

L’ademe, l’agence de la transition écologique recommande de passer un jour sur place par heure de vol aller et retour pour « rentabiliser le trajet ». Par exemple, un vol Paris Bali dure une trentaine d’heures aller-retour, il faudrait donc rester 30 jours sur place.

Prendre systématiquement un avion quand d’autres moyens de transport sont possibles ou encore acheter un « billet tour du monde » est devenu pour moi anti-productif. Le tourisme est responsable de huit pour cent des émissions de Gas à Effets de Serre et les trois quarts de ces émissions sont dues au transport, principalement à l’avion.

Au-delà de contribuer à l’émission de GES, on visite le pays en superficie, ce n’est pas vrai qu’en deux semaines, on visite un pays. C’est mieux que rien me direz-vous, on n’a pas tous une année devant nous ! A ça je réponds, que nous devrions tendre vers « le moins mais mieux », moi la première.

Et la compensation carbone alors ? Pour ou contre ?

Un de mes podcast nocturnes m’a éclairée sur le sujet. Très franchement je me disais que c’était une bonne idée, mais je n’en suis plus si sûre, ou alors il faut bien choisir comment on le fait, auprès de qui et quel prix on est prêt à y mettre.

Les compagnies aériennes proposent maintenant de payer quelques euros de plus pour planter des arbres. Acheter un crédit carbone compense une tonne d’émission de CO2. Or, une tonne de CO2 émise en quelques heures ne peut pas être absorbée par des arbres plantés dans l’année, c’est ce que les compagnies essayent de nous faire croire (vive le greenwashing), ou alors sur plusieurs dizaines d’années et à deux conditions.

La première, que les arbres soient vraiment plantés, de nombreux projets viennent à capoter faute de financement insuffisant (on nous propose de payer un crédit carbone pour quelques euros de plus sur le billet alors que pour qu’un projet soit viable, il faudrait le payer entre vingt et trente euros) et si par chance les arbres ont finalement été plantés, seconde condition, il faut qu’ils le restent assez longtemps !

Les industries qui se vantent de compenser leurs émissions en plantant des arbres s’achètent une bonne conscience, et une image green. Elles financent des projets à bas coût de monocultures d’arbres, qui ne favorisent pas l’absorption de GES.

Des labels de certification de projets de compensation carbone existent comme Gold standard et Verra.

Alors que faut il faire ? Arrêter de voyager ? Non surtout pas ! Mais peut-être repenser à nos moyens de déplacement, nos destinations et nos activités… Slow tourisme bonjour ! Voilà quelques idées :

  • Lorsque c’est possible, et surtout lorsqu’on est seul ou à deux, prendre le train ou le bus au lieu de la voiture, et le cas échéant, prendre des passagers pour diminuer l’émission en gramme de CO2 par passager et par kilomètre
  • Louer un vélo sur place au lieu d’une voiture, prendre le bus de ville au lieu de louer un scooter
  • Si on a peu de temps, choisir une destination moins lointaine et faire un « gros voyage » une année sur deux ou trois
  • Choisir l’option d’un tourisme participatif en allant dans des endroits dans lesquels on peut aider, contribuer, faire vivre des acteurs économiques locaux, ou faire du bénévolat
  • Cibler des hôtels respectueux de l’environnement, privilégier des petits hôtels ou gîtes ruraux, réaliser des activités organisées par des professionnels eux-même engagés…

Les solutions sont nombreuses et chacun peut trouver la sienne.

Alors oui, cela sous-entend clairement de repenser un peu sa façon de voyager d’une manière globale, baisser un peu le niveau de confort et ses exigences, perdre un peu de liberté en s’adaptant à des horaires de transport en commun, ou en ayant moins de choix dans les détours et les pauses improvisées, payer peut-être un peu plus, mais la planète ne le mérite-t-elle pas ? On y serait finalement tous gagnants.

Moins de tourisme de masse, qui nous agace tous, des sites naturels moins saccagés, qui pourraient ainsi rester accessibles à tous, plus de partage entre les touristes et les locaux, afin de mieux comprendre le territoire et les enjeux auxquels ils font face, des eaux de baignade moins polluées (je pense entre autres au tourisme bleu sur des gros bateaux de croisière), des écosystèmes respectés …

Je fais ma part de colibri… A qui le tour ?

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