Au nord de San Cristobal de las Casas, dans la région de Chiapas, c’est un des rares villages mayas du pays qui a autant gardé sa culture, les habitants ont défendu leurs terres et leurs traditions, comme nulle part ailleurs. Ils ont réussi à trouver un accord avec les espagnols et ainsi, encore aujourd’hui, se mélangent rites catholiques et croyances maya préhispaniques. Dans l’église, une seule condition cependant, que les mayas soient baptisés. De nos jours, certains le font par obligation et d’autres par amour et croyance. Depuis les années 1520, ils ont eu le temps, à travers les générations, d’adopter un nouveau dieu qui venait de l’autre côté de l’océan.
Le dimanche c’est jour de fête, de grands pique-niques sont organisés sur la place, ou en plein milieu du marché. Tenues traditionnelles, musique, tout y est pour en prendre plein les yeux (voir les photos de la galerie).
Ce riche mélange s’apprécie surtout dans l’église de San Juan Bautista, sur la grande place principale, elle vaut vraiment le détour.



L’intérieur intrigue, ce qu’il s’y passe est « secret », il est strictement interdit de faire des photos sous peine d’amende, et ici ils n’hésitent pas à sanctionner les touristes qui ne jouent pas le jeu, voire à les mettre dehors à coups de pied ! Puis c’est un site sacré, et on se doit de respecter l’intimité du lieu, c’est tout.
Visiter cette église est une expérience dans un autre espace-temps, c’est une claque culturelle que je prends. Un beau mélange entre catholicisme et culture maya que je vais tenter de décrire.
Ce qui m’a d’abord attiré l’œil, c’est l’absence de bancs, tout le monde est assis par terre, sur un tapis d’aiguilles de pin fraiches. Celles-ci sont renouvelées trois fois par semaine, de ce fait, elles dégagent une agréable odeur, qui se mélange à celle de l’encens et du copal, un arbre sacré pour les mayas. Avec la fumée, l’ambiance est opaque, ce qui rajoute au côté secret et intimiste.
Des petits groupes sont assis par terre dans chaque coin de l’église. Des familles, des groupes d’amis, des étrangers… d’autres personnes déambulent autour des groupes puis s’y arrêtent par croyance ou juste par curiosité. C’est un endroit dans lequel les locaux viennent passer le temps, ils y boivent, fument, prient, ou juste racontent leur semaine, enfin j’imagine ! Tous parlent avec leur dialecte maya, on ne comprend rien de ce qu’il s’y dit, c’est assez mystique. Certains enfants courent autour des groupes et s’amusent. Des guides organisent des sessions d’informations pour en apprendre plus sur l’origine de chaque élément présent dans la cathédrale… Cette fois, j’ai joué le jeu, j’avais trop envie qu’on me raconte ce qu’ils se passait ici !
Cela peut sembler animé mais à la fois, l’endroit est assez calme, on peut parler, mais doucement, et tout le monde joue le jeu naturellement.
Par terre, il y a quelques endroits sans aiguilles pour que chacun puisse y mettre ses bougies pour ses rituels. Pas une ou deux… non, des dizaines et des dizaines de bougies ! Leur nombre et couleur dépend des croyances de chaque famille.
Elles sont fines et longues, bien alignées par taille, et renouvelées au fur et à mesure si nécessaire. A la fin du rituel, la cire froide au sol est raclée puis précautionneusement enlevée.
Seul ou en groupe, on s’y rend principalement dans trois buts. Le premier pour remercier son dieu, catholique ou maya, pour la santé, le travail, la récolte… le deuxième pour prier et demander ce dont on a besoin, le troisième pour guérir.
Dans tous les cas, on y pratique de nombreuses offrandes. Cela peut être des bougies, de la nourriture, des boissons gazeuses sucrées connues ou des bières (les entreprises ont réussi à faire partie intégrante de la vie des mayas et ont même réussi à s’immiscer dans leurs rituels).
Il y a trois sortes de soins pratiqués dans l’église, tous réalisés par des chamans guérisseurs reconnus du village, la teneur du soin dépend de l’origine du mal. Celle-ci est déterminée par le chaman, qui prends ton pouls. Il sait dire alors si le mal provient d’un mauvais œil provoqué par une tierce personne, d’une de nos énergies qui est restée sur le lieu d’un accident qu’on aurait eu plus ou moins tôt dans nos vies, ou alors une maladie plus grave.
Dans ce dernier cas, il arrive assez régulièrement que les chamans sacrifient des poules en leur tordant le cou, puis qu’ils frottent les malades avec pour les guérir. Selon leurs croyances, l’esprit de la poule va, à sa mort, ramener l’énergie à la personne malade pour qu’elle guérisse. Pas de sang dans l’église, les poules sont mangées ensuite.
J’ai eu la chance d’assister à une longue et intense cérémonie pour guérir un bébé, c’était palpitant et très mystérieux.
De part et d’autre de la zone centrale, sont tendus de grands tissus avec des motifs de croix. Ils sont également attachés au milieu du toit si bien que ça leur donne une forme triangulaire, symbolisant les montagnes de Chiapas.
De grosses cloches ornent l’entrée, elles sont sacrées car elles sont associées au soleil. Chaque jour, elles sonnent à l’heure du lever du soleil, lorsqu’il est au zénith et lorsqu’il se couche. Il y en a une sacrée collection, posée devant les saints en vitrine.
Sur les parois des murs, 41 saints sont tournés vers le centre de l’église. Chacun est protégé dans une sorte de vitrine en verre. Tous portent un miroir autour du cou, et l’explication m’a vraiment surprise. Il n’y a pas de prêtre ou de curé attitré à cette église. Lorsqu’il y a des messes, des baptêmes ou des mariages, un prêtre d’un village voisin vient réaliser la cérémonie. Il n’y a donc personne pour les confessions, il ne leur reste plus qu’à s’auto-confesser. Chacun se regarde dans le miroir et fait face à soi-même. On ne peut pas se mentir, on se doit de se regarder dans les yeux et faire son auto-critique et devenir meilleur par soi-même. Jolie leçon.
Chaque saint est dédoublé, et a donc une version « mineure » et une « majeure ». Cela a été fait pour coller aux croyances mayas et garder la dualité (jour/nuit, lune/soleil…)
Ces saints sont gardés et célébrés grâce aux « mayordomos », au nombre de 122, qui veillent sur eux et entretiennent l’église. Ils organisent les défilés lors des fêtes catholiques, achètent les tenues vestimentaires traditionnelles aux « ayudantes », les personnes qui s’inscrivent pour aider les mayordomos, et ça peutr aller jusqu’à 1000€, les nourrissent lors des banquets, change les aiguilles de pin, et les bougies. Chaque mayordomo reste une année. Il faut s’isncrire sur une liste d’attente et il peut se passer quarante ans avant qu’on t’appelle ! Enfin, certains saints peuvent avoir cinq mayordomos, la classe.
Le guide me disait que le budget d’un mayordomo pour l’année pouvait aller jusqu’à l’équivalent de 10.000€
Je suis restée le temps de faire quelques prières, à tous les dieux, mais surtout ceux de la Nature, et à l’univers. Dans le cœur de l’église, Jésus sur sa croix, est entouré de maïs et d’un jaguar.
Je vais finir sur une croyance personnelle, et ne cherche à offenser personne. Selon moi, toutes les croyances et religions partent d’un seul et même TOUT, et sont toutes une porte qu’on ouvre pour trouver la paix, l’amour, la tolérance… quel que soit le nom qu’on peut donner à cette force supérieure, à son dieu, c’est important de remercier.
Appelons-la aussi la Vie, mais ces endroits sont toujours un bon endroit pour prendre le temps d’exprimer sa gratitude pour la chance qu’on a et demander un coup de pouce pour la suite du voyage 🙂